Fusha, revue palestinienne en ligne, décembre 2023.

Gaza, novembre 2023
à Roland Nurier


certes avant tout ce jour-là
au-delà d’une frontière
ayant sans cesse resserré d’un cran
sa ceinture de béton
et de peur
ce jour-là
dans la plaine enfumée
d’effluves incarnat
où ne lire à nouveau
que l’immémorial oracle
d’une inarrêtable perte de sens
quelque chose s’est produit
qui n’a pas de nom
mais ici
le long du rivage
où hier encore
les pêcheurs rentrant
de cette étroite bande de mer
amarraient leurs barques
chargées d’une frêle cargaison de rêves
sous l’œil indifférent du large
où les cultivateurs labourant
de minces bassins de terre
remplissaient à la sauvette
quelques cagettes d’espoirs
sous la menace d’un éclair
oui ici
dans cette ville
enclose par l’Histoire
dans sa géographie côtière
où les ombres des vivants
dansaient parfois
sur les murs de sable
tagués d’embruns
à présent celles des morts
entassés d’heure en heure
sous les lambeaux d’immeubles
se hissent sans fin
sur l’éboulis du ciel
familles entières
que noie leur sang
dans l’instant figé
où la raison chavire
à chaque degré franchi
par l’acharnement de dogmes
submergeant le réel

Poème figurant dans la revue palestinienne en ligne Fusha,
décembre 2023.
Traduction vers l'arabe : Anas Alaili.