Avant la nuit

« Je suis un cri d'humanité. »
Guillaume Apollinaire

Aydat, non loin de Clermont-Ferrand, ancien lieu de résidence de Sidoine Apollinaire, poète, écrivain et homme politique gallo-romain, l’un des principaux auteurs de la fin de l’Antiquité et du début du Moyen-Âge en France. En se promenant au bord du lac, on imagine Sidoinassis seul sur la berge, déchiffrant les présages du clapotis de l’onde soulevée par le vent. Il y pêche ses idées qu’hameçonnent ses vers dans d’insondables profondeurs où se noie la raison. Il y scrute le fil des heures passant comme La Veyre, rivière qui se jette dans cette masse d’eau naturelle, la traverse et s’écoule dans les failles du temps. On l’imagine aussi flânant sur la grève aménagée, écoutant l’écho des voix dévaler « les versants des collines » jusqu’au péristyle de sa villa où résonnent, baignés dans les particules d’air, les rires de sa femme sinuant entre les colonnes de pierre. On comprend alors qu’il ait trouvé ici la paix pour écrire et méditer sur le chaos sans fin des jours. Sachant l’urgence de préserver par les mots l’éclat estival du vivant face aux imminentes incursions de l’hiver. La surface argentée du lac reflète les nuages envahissant l’azur comme son œuvre fait miroiter les orages troublant le ciel d’un siècle où brillaient les ultimes lueurs du crépuscule des lettres. Lumineux témoignage sur le couchant d’une civilisation dont il peinait à croire qu’elle fût mortelle. (...)

Stéphane Juranics,
février 2018.

Extrait du texte « Avant la nuit » figurant dans le n°5 de la revue Rumeurs
paru en novembre 2018.